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les cévennes

La délicieuse bartavelle (Perdix Græca ou saxatilis), devenue si rare en France, habite le massif de l’Aigoual. Elle ressemble beaucoup à la perdrix rouge, qui, elle, est très commune.

« Au milieu des affreux rochers où elle se réfugie, la bartavelle est presque inabordable pour le chasseur au chien d’arrêt. Les braconniers ont pour toutes les perdrix un genre de chasse aussi simple que meurtrier. Ils placent au haut de l’un de ces couloirs coupant de temps en temps la falaise, et devenus les chemins forcés de ces oiseaux, qui vont à la provende sur le causse, deux ou trois gerbes de blé noir ou sarrasin. Tous les gallinacés sont très friands de cette petite graine. La compagnie entière se jette sur ces gerbes, qu’elle becquète avidement. Pendant ce temps, le braconnier, caché à trente pas, tire ses deux coups en pleine bande, dont souvent la moitié reste sur le carreau. » (L. de Malafosse.)

Pendant la descente du Tarn en bateau, on peut massacrer à l’aise les margoules ou poules d’eau qui, sur les rives, rasent l’eau en fuyant de buisson en fourré.

Plus difficile est la destruction des grands oiseaux rapaces.

Le vautour surtout est défiant. Il y en a deux variétés : le vautour fauve ou commun, et le noir ou Arian. Ces oiseaux sont en très grand nombre.

À côté du vautour est un oiseau de même famille, mais un peu plus petit et facile à distinguer, même de loin, par son corps blanc et ses ailes absolument noires en dessus. C’est le catharte ou percnoptère, que les paysans nomment le peyriblonc (le père-blanc). Très rare dans le reste de la France, cet oiseau est commun dans toutes les falaises des divers causses. Il va à la provende avec le vautour et partage avec lui le même cadavre, mais niche séparément, et en général dans un creux de rocher.

Il a le bec allongé et le cou emplumé.

L’aigle royal (Aquila fulva ou regia) ou aigle brun ordinaire se rencontre moins souvent. On compte et on connaît les aires, peu nombreuses, où les couples cachent leurs aiglons sous des surplombs de roches où des encorbellements inaccessibles. Quelquefois un hardi berger se fait suspendre au bout d’une corde et va quérir le jeune oiseau de proie, quand la mère ne plane pas au-dessus du nid. Mais qu’il prenne garde de se laisser surprendre ; il devrait soutenir alors une lutte où il risquerait fort de succomber !

Les corvidés (corbeaux) abondent particulièrement. Le plus rare est le vrai corbeau, très grand, jamais en bande, toujours gîté par paire dans son nid.

Les variétés plus petites s’appellent corneilles, freux, chocards, craves (corneilles à bec rouge).

C’est un spectacle fort amusant que de voir des bandes innombrables de corneilles pourchasser quelque rapace de moyenne taille, un faucon par exemple : la poursuite tournoyante et croassante dure des heures, et souvent le faucon succombe à la fatigue ou à l’étourdissement, tandis que la foule de ses ennemis se renouvelle constamment par un véritable système de relais. On ne saurait se faire une idée du vacarme assourdissant qui tombe du ciel pendant ces curieuses chasses.

Le plus bel endroit de pêche des gorges du Tarn est au-dessous de la Malène.

Les gendarmes, qui font fonctions de gardes-pêche, ont mille peines à confisquer les filets à mailles trop étroites et les autres engins prohibés.

Souvent le touriste voit, de sa barque, une forme vague sortir au loin de l’eau