Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
382
les cévennes

En une phrase seulement je rappellerai que l’homme quaternaire ou paléolithique, contemporain des espèces éteintes ou émigrées, n’a pas pratiqué le polissage des silex, qu’il a su seulement façonner cette pierre par la percussion, en la débitant par éclats (pierre taillée, pierre éclatée, forme la plus ancienne ou paléolithique) ; qu’il habitait soit en plein air, soit dans les cavernes ; que l’agriculture, la domestication des animaux, le tour, le lissage, étaient choses inconnues pour lui, et que sa principale préoccupation a dû être la chasse et la lutte contre les bêtes féroces.

Ces divisions n’ont certes qu’une valeur régionale, puisque de nos jours encore certaines peuplades sauvages d’Océanie n’emploient que la pierre polie ; mais la chronologie ci-dessus paraît bien définitive pour l’Europe.

On a même été plus loin, en partageant la période paléolithique en chelléenne ou acheuléenne, moustérienne, solutréenne et magdalénienne (la plus récente), noms tirés des localités de Chelles (Seine-et-Oise) et Saint-Acheul (Somme), le Moustier (Dordogne), Solutré (Saône-et-Loire) et la Madelaine (Dordogne), qui ont fourni des types de silex taillés très différents les uns des autres.

En Lozère ont été faites des découvertes très précieuses pour la science préhistorique.

Silex taillé.

Les plus belles sont dues au docteur Prunières, de Marvejols, qui paraît avoir notamment, par de patientes et fructueuses fouilles dans quinze cavernes sépulcrales et cent cinquante dolmens, établi un fait des plus remarquables : l’absorption d’une race autochtone (des cavernes) par une race d’envahisseurs (des dolmens) plus civilisés et plus forts. L’anthropologie et la préhistoire doivent beaucoup au modeste et éminent savant qui a su arracher aux ossuaires néolithiques de la vallée du Tarn et aux tombeaux des Causses tant de secrets précieux. Il serait injuste de ne pas citer au moins, à côté de son nom, ceux des zélés et expérimentés fouilleurs de cavernes et dolmens : MM. Louis de Malafosse, l’abbé Solanet, Jeanjean, l’abbé Cérès, Poujol, l’abbé Boissonnade, etc., auteurs aussi d’importantes trouvailles ; tous ont recueilli des collections variées de poteries, de colliers en pierre et d’objets travaillés. Une publication spéciale serait nécessaire pour résumer même sommairement tous leurs travaux[1].

On a nié pendant longtemps que les Cévennes eussent été peuplées à l’époque quaternaire : nos recherches personnelles ont contribué à prouver le contraire, et cette question fera l’objet spécial du chapitre suivant.

Litige plus grave et d’un caractère plus général : de nombreux savants

  1. Consulter, pour les dolmens et tumuli : l’abbé Vinas, Mémoires sur les monuments druidiques de l’arrondissement de Lodève ; Lodève, 1866, in-8°; — Mélange d’archéologie, par Séb. Bottin ; Dolmens et pierres branlantes de la Lozère lithographiées d’après les dessins de M. Jorand, peintre, p. 195, 199 ; Paris, 1831 ; — Dr Prunières, Distribution des dolmens dans le département de la Lozère : Revue d’anthropologie, t. II, et tous les mémoires du docteur Prunières épars dans les comptes rendus annuels de l’Association française pour l’avancement des sciences (depuis 1872) ; — X***, Recherches sur le causse Noir : Bulletin, section Lozère et Causses, Club alpin français, n° 2, 1888 (dolmens du causse Noir) ; — L. de Malafosse, Études sur les dolmens de la Lozère: Mém. de la Soc. archéologique du Midi, Toulouse, 1869 et 1872.