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les cévennes

de Galatie (Gaule asiatique), dont le nom rappelait la patrie lointaine et qui posa sa capitale à Ancyra (Angora). Puissants en eux-mêmes, ces Gaulois d’Orient se mirent successivement à la solde des souverains asiatiques, de Pyrrhus et de Carthage contre les Romains.

Leur prospérité ne dura que jusqu’en 189, jour où le consul Cn. Manlius les battit en un combat sanglant et assura ainsi à Rome la possession de l’Asie Mineure. Mais, loin d’user de rigueur envers cette race belliqueuse, énergique, les vainqueurs ne lui dictèrent que d’honorables conditions, voulant à tout prix se l’attacher : c’était assez de l’avoir humiliée, il ne fallait pas la pousser à un dangereux désespoir, car les Volces et Gaulois d’Asie avaient l’âme grande et le caractère fortement trempé.

« Il ne fut question ni de tribut ni de changements dans les lois ou le gouvernement des Galates. Tout ce qu’exigeait Manlius, c’était qu’ils rendissent les terres enlevées aux alliés de Rome, qu’ils renonçassent à leur vagabondage inquiétant pour leurs voisins, enfin qu’ils fissent une alliance intime et durable. Ces conditions furent acceptées. » (A. Thierry.)

C’était en effet un rude peuple que ces Volces, venus de si loin et restés cependant, par leurs mœurs nobles et généreuses, frères des Gaulois des Cévennes.

Les historiens antiques (Valère-Maxime, Plutarque, Polybe) relatent une foule d’anecdotes qui font le plus grand honneur au beau caractère des Galates.

Nous n’en rapporterons qu’un exemple, l’admirable trait de constance de Camma, prêtresse de Diane, mariée au tétrarque Sinat. Aimée d’un autre tétrarque, Sinorix, elle le repousse ; la passion conduisit Sinorix au meurtre de Sinat ; sous la pression de sa propre famille, Camma fut contrainte d’accorder sa main à l’assassin du premier époux tant pleuré. Le jour des noces, la belle veuve, souriante et calme, tend à Sinorix, selon l’usage, la coupe de vin que tous deux vident ensemble : elle était empoisonnée ; Sinat se trouvait vengé, et Camma mourante eut la joie de voir sous ses yeux l’infâme Sinorix succomber avant elle.

C’est contre les fils de pareilles femmes que les Romains, pendant plusieurs siècles, eurent à lutter aux quatre coins de leur empire.

En 218, les Volces livrèrent passage à Annibal.

Les Ruthènes sont, comme les Gabales, clients des Arvernes. Au iie siècle, lors de la première guerre contre Rome, ils fournirent au célèbre Bituit, roi des Arvernes, vingt-deux mille archers ; les Allobroges s’étaient joints aux deux peuples. En 122 avant Jésus-Christ, le consul Q. Fabius Maximus et le proconsul Domitius vainquirent au bord du Rhône l’armée des Gaulois alliés, forte, dit-on, de deux cent mille hommes. Bituit, considérant le petit nombre des Romains, s’était écrié d’un ton méprisant : « Il n’y en pas assez pour nourrir mes chiens. » Il n’en fut pas moins battu : la charge des éléphants romains et la rupture d’un pont de bateaux mirent le désordre au comble dans les rangs gaulois ; les ennemis n’eurent qu’à égorger : douze mille hommes périrent selon Tite Live, cent cinquante mille suivant Orose. Bituit échappa d’abord, puis fut pris par trahison et transporté à Rome chargé de chaînes.

Alors le midi de la Gaule fut province romaine, et le peuple allobroge sujet romain. Deux ou trois ans après, et par extension insensible de la Province, les Ruthènes mêmes se trouvèrent divisés en deux parts : les indépendants, qui restèrent groupés autour de Segoldum, et les provinciaux, annexés avec leur ville d’Al-