le cañon du tarn. – de sainte-énimie à la malène
pices du Gévodan, avec tant de bruit et de violence, qu’il ressemble plutôt à un torrent débordé qu’à une rivière, et porte plus de dommage que de profit. » (Les Rivières de France. Paris, 1644, 2 vol. in-8o.) Le Rhône s’abaisse de la même quantité entre l’Isère (107 m.) et la Durance (12 m.), mais sur 150 kilomètres de parcours, soit 0m,63 par kilomètre ; d’Oberwald (1,370 m.), à 5 kilomètres de sa source (1,777 m.), jusqu’au lac de Genève (375 m.), sur 155 kilomètres de cours torrentiel dans le Valais, il a 6m,40 de pente ; de Genève (375 m.) à Lyon (170 m.), 0m,93 seulement (220 kil.).
Les barques sont de simples bateaux de pêche, des toues à fond plat, avec un arrière carré et très haut ; leur avant, moins large, est protégé sur les deux faces par une forte bande de fer. Elles ne peuvent changer de forme : la faible profondeur du Tarn s’y oppose. Le confortable en souffre bien quelque peu, car une rude planche posée sur les deux bords sert en principe de siège ; on parvient cependant parfois à se procurer des chaises de paille. Il est juste d’ajouter que les propriétaires des barques s’occupent activement de les rendre moins primitives : un double fond à claire-voie protégera bientôt les pieds contre l’eau qui peut s’y introduire ; des bancs à dossier avec coussins en grosse toile gonflés de paille ou de balle d’avoine permettront au touriste d’examiner sans fatigue le ravissant défilé des décors qui se développe devant lui ; une couleur passée sur les barques réservées au transport des voyageurs leur donnera un peu de cet aspect riant qui ne peut nuire en rien au spectacle grandiose de la nature.
Entre Sainte-Énimie et les Vignes, les embarcations donnent place à six voyageurs ; des Vignes au Rozier, à cinq au plus, car leurs dimensions sont restreintes par les difficultés de la navigation.
Les barques du Tarn assurent seules les transports agricoles. Mais leur nombre diminue, car, pour remonter, les malheureux propriétaires doivent tirer à la bricole le chargement de leurs récoltes. Aussi, dès qu’une vigne ou une châtaigneraie est accessible par un sentier, l’on substitue le mulet ou l’âne à la barque. Dans une section, très restreinte il est vrai (des Vignes aux Baumes-Basses), il y a même un cheval et une petite charrette.
La navigation se fait à la gaffe, munie d’une sorte de douille de fer, et à la perche ; nulle part on ne se sert de la rame. Souvent, à la montée, un des bateliers est obligé de se mettre à l’eau et de haler le bateau, soit à la ligne, soit à la chaîne, tandis qu’un autre dirige avec la gaffe. Cela n’arrive d’ailleurs que lorsqu’il faut franchir les ratchs ou rayols ; les planiols sont généralement trop profonds pour que les hommes puissent marcher dans la rivière.
Pour se promener sans danger sur le Tarn, alternativement lac sans rides et torrent furieux, il faut le connaître à fond. Beaucoup de ratchs ressemblent plus à des cascades qu’à des rapides[1] ; quelques-uns ont de 1 à 2 mètres de chute sur une dizaine de longueur ; d’autres sont coudés à angle droit et font ressac
- ↑ « Si faciles à entamer que puissent être les roches d’un plateau, il arrive souvent qu’au milieu de strates de faible consistance il s’en trouve qui résistent, efficacement à l’action des eaux courantes ; de là des barrages, tantôt permanent, tantôt momentanés, en arrière desquels se concentre le travail mécanique de l’érosion et que la rivière franchit par des déversoirs, en attendant qu’elle puisse les entamer. Ici est encore aujourd’hui le cas du Colorado ; sa pente est brisée non par des cascades, mais par une succession de rapides, dont chacun marque la traversée d’un affleurement de roches plus résistantes. On peut dire que, dans ce cours d’eau, il y a constamment alternative entre la condition de torrent et celle de rivière. » (De Lapparent, Traité de géologie, 2e édit., p. 215.) — De même pour le Tarn.