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le cañon du tarn. — de la malène au rozier

Tu peux t’en retourner seulette !… »
Et mourut notre amoureusette !
Ce pas est le pas du souci ;
Sachez cela, jeunes fillettes !
À la Vierge dites merci,
Et n’y passez jamais seulettes !


Fidèle à cette loi de contrastes qui lui donne une si charmante variété, la gorge s’élargit, après le pas de Soucy ; puis, pendant 10 kilomètres encore, elle présente la même alternance de resserrements et d’expansions.

Sortons donc du chaos et continuons notre route. Voici la source Saint-Hilaire, celle de Fontmaure, qui naît en gros bouillons au niveau de la rivière ; plus loin, les fontaines de Soucy et de Bouldouire jaillissent au milieu des rochers. Sur la rive gauche sort celle du Maynial. Autour de ces deux dernières se groupent quelques maisons. Des noyers, des arbres fruitiers, bordent le chemin, cachant à moitié une saillie du causse de Sauveterre, qui, très haut, sur une plate-forme, porte le hameau et les ruines du château de Dolan, autrefois l’une des plus solides et des plus célèbres forteresses du Gévaudan.

En 1234, le sire de Dolan fit à l’évêque de Mende une sanglante guerre, dont les annales du Gévaudant parlent avec horreur.

Nous sommes dans le bassin des Vignes, tout vert et ensoleillé, à 414 mètres au-dessus de la mer, entre les 950 et 895 du Sauveterre et les 983 et 907 du Méjean, avec 1,500 à 2,500 mètres d’écartement maximum d’un causse à l’autre.

« De la Malène au Pas-de-Soucy, c’est le plus grand du cañon ; du Pas-de-Soucy au Rozier, c’est le plus lumineux. »

Le village des Vignes est relié à Saint-Préjet-du-Tarn, chef-lieu de la commune (327 hab. la comm., 133 aggl., consistant en une église et deux maisons), par un pont précédé d’un barrage, en aval duquel on reprend la navigation. Là se trouve l’un des trois passages pratiqués dans les murailles des deux causses ; la route de Sévérac et du Massegros à Florac ou à Meyrueis l’occupe, Il est probable que de tout temps ce passage a été gardé par les populations, de même que celui de Sainte-Énimie, car là aussi abondent les antiquités. Dolmens et grottes jadis habitées sont en grand nombre au-dessus des Vignes. M. l’abbé Solanet a compté plus de quatre-vingts dolmens et fouillé plusieurs grottes (aujourd’hui fermées), dans lesquelles il a découvert de nombreux objets préhistoriques, actuellement au musée de Mende.

La route qui escalade la muraille du causse de Sauveterre jusqu’auprès de Saint-Rome-de-Dolan (167 hab. la comm., 57 aggl., vue superbe), rachète 950 mètres de distance à vol d’oiseau et 500 mètres de différence de niveau par onze lacets de 6 kilomètres de développement, soit 0m083 par mètre.

C’est le chemin de grande communication no 15 (de Sévérac à Florac), tout nouvellement rectifié. Après le pont, une source énorme, les Parayres, à laquelle est due la fondation de très anciens moulins, sort auprès du village et bondit dans le Tarn : son bassin de retenue semble un pur saphir quand le ciel s’y reflète sans nuages.

Nous rembarquons pour filer sur le planiol des Vignes, qu’il faudrait revoir au clair de lune. Bientôt les talus deviennent moins larges ; les falaises, hautes de 500 mètres, se rapprochent, et la distance est ramenée à 1,200 ou 1,500 mètres entre les bords des deux causses. Ce long défilé rectiligne serait lugubre,