Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
les cévennes

sans le soleil qui l’illumine radieusement, au contraire, grâce à l’orientation en plein sud.

Après un premier étroit paraît le hameau du Villaret, pittoresquement enfoui dans des bouquets de grands arbres et des baumes ; une maison porte la date de 1730.

Un haut piton qui se dresse sur la rive gauche portait autrefois le château de Blanquefort, dont les débris se voient encore du bord de l’eau. Personne ne paraît en avoir escaladé la terrible falaise pour savoir ce qu’il reste des ruines.

Entre deux rapides, regardons un peu autour de nous. Du sentier de la rive droite, on voit surtout les escarpements de face ; du lit de la rivière, ils montrent leur profil, et les dentelures du faîte se découpent mieux sur le ciel, tandis que les avancées et les rentrants se mirent dans les planiols ; puis l’image se trouble et disparaît à l’approche du rapide, pour reparaître un peu plus loin.

Au bord de la rive gauche, la grotte de l’Ironselle débite une puissante source. Le site est charmant, avec ses grandes roches en corniche, sa fontaine, son fouillis de verdure ; il est célèbre à juste titre et réellement fort bien « composé ». Du sentier on le voit mal : il se perd dans l’ensemble. On n’aperçoit pas surtout une amusante aiguille, presque détachée de la paroi, dressée comme une vedette en pleine rivière et qui, haute d’environ 20 mètres, ressemble à quelque soldat persan ou gardien de sérail coiffé de son immense et ridicule bonnet pyriforme !

Nous venons de passer la cote 395 et, bien loin au sud, à 3 kilomètres et demi, se profile déjà la fière silhouette du pic de Cinglegros, bastion détaché du causse Méjean et barrant majestueusement la vallée. Pour le piéton, « le sentier monte et descend suivant les caprices de la roche, qui tantôt s’avance et se penche vers le Tarn, tantôt recule et escalade la muraille du causse. Sur la rive gauche, la gigantesque paroi du causse Méjean, ayant à sa base un talus gazonné, porte à son faîte une série de roches ruiniformes de l’aspect le plus sauvage : château, bastions, donjons, aiguilles, rochers surplombants, tout cela rougeâtre, presque rouge, vivement éclairé par le soleil. Entre les deux parois, mouchetées de vert, coule le Tarn aux eaux transparentes, couleur d’aigue-marine, ici pailletées d’or, là blanches d’écume, au gré des ratchs ou des planiols.

« Souvent une grande roche ou des bouquets d’arbres nous cachent la rivière et masquent les rochers qui la bordent. Nous ne voyons plus alors que le haut des falaises se découpant sur le ciel en fantastiques silhouettes ; la roche est trouée, évidée, taillée, contournée ; tours, champignons, forteresses, se multiplient ; et au milieu de ces bizarreries, que l’on voit mieux du sentier que du lit du Tarn, circule le sentier de chèvres de la Bourgarié, hameau perché sur le bord extrême du causse, à 866 mètres, » (A. Lequeutre.)

La barque passe sous le Cambon, hameau de la rive droite, couvert de noyers sur une terrasse de rochers. Le Cinglegros grandit toujours. À gauche, à 400 mètres en l’air, on aperçoit un lambeau de ciel à travers l’ogive naturelle du pas de l’Arc (V. p. 88), sous laquelle passe le chemin (?) de la Bourgarié. Les hautes fortifications des causses deviennent de plus en plus formidables. Enfin, à gauche, le hameau de la Sablière pourvu d’une source et dont les vieilles maisons offrent un exemple bien rare de constructions très anciennes, se cramponne aux pentes abruptes du Cinglegros, devenu gigantesque. Son