Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/18

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aucun droit à la faveur dont elles sont en ce moment l’objet. Tout en condamnant l’épicurisme, nous croyons que l’on peut, que l’on doit s’intéresser même à ses erreurs. Faudrait-il être de ces esprits timorés, comme on en rencontre aujourd’hui, qui repous- sent avec un dédain peureux toutes les doctrines contraires à leur foi, qui voudraient qu’on les accablât sous le mépris ou qu’on les opprimât sous le silence, et regardent comme une forfaiture ou une preuve d’indifférence coupable de leur faire les honneurs d’une exposition clémente? Mais si on écoutait cette dureté doctrinale, l’histoire de la philosophie ne serait plus qu’une suite d’exécutions sommaires. Vous craignez de voir admirer Lucrèce parce que vous le prenez pour un athée, mais alors vous pourrez bien fermer les yeux à la belle morale de Sénèque, qui repose sur les principes du pan- théisme stoïcien. Pour une raison de doctrine ou pour une autre vous serez insensible à la beauté de toute la morale antique. Où ce scrupule ne peut-il conduire? si votre unique souci est de préserver de tout contact impur l’intégrité de votre foi ou religieuse ou philosophique, vous risquez d’élimi- ner même les écrivains chrétiens. Lirez-vous Des- cartes? Mais, son doute méthodique est le principe de toutes les témérités modernes. Malebranche? Mais il est soupçonné de spinosisme. Pascal? Mais