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XXXI

« Rien ne vaut les coings miellés, les dattes dorées, présent du pauvre, « les prunes de Damas que la vieillesse a ridées et flétries, le fromage « de Luna ou de Vélabre, imbibé de fumée. — Servez-moi la saucisse « de Lucanie, entourée d’une bouillie blanche. — Je veux que les olives « viennent de Picenum, les citrons des jardins de Corcyre, les sangliers « de l’Etolie, les grenades de la Libye, les poulets du Phase, la gélinotte « de l’Ionie, et les poules de la Numidie. — A la perdrix je préfère « la bécasse, le surmulet à la murène, le turbot à la squille. — J’aime « les huîtres autant que les aimait ce client de Cicéron exilé à Marseille. « — Je ne méprise ni le goujon ni la dorade. » — Et c’est ainsi que je consacrai toute une partie de la soirée à ces descriptions de gourmet.

Dans cette foule d’hommes sans pitié il y en eut un qui cependant ne voulut pas me voir plus longtemps sur le chapitre de la goinfrerie : — Martial, me dit-il, laissons là le vin et la bonne chère ; je sais bien que si tu voulais tu parlerais jusqu’à demain, et tu nous en ferais venir l’eau à la bouche, du vin de Setie et du vin de Fondi, du vin de Cécube qui mûrit dans les marais, et du vin de Cyène qui resserre le ventre, du vieux vin de Mammertin et du vin de Taragone, préférable même aux vins de Toscane. Sans doute tu n’oublierais pas ton vinaigre de Nomentanum et le joli vin de Spolette, préférable, quand il a quelques années, au vin nouveau de Falerne ; mais laissons là le vin de Pelignum et le vin de Spolette et le vin de Marseille : parle-nous plutôt, en l’honneur des dames, des parfums et des roses. — Alors je répondis en m’inclinant :

« Laisse ton argent à ton héritier ; mais ne lui laisse ni tes parfums, « ni tes vins, ni tes roses. »

Un vieux sénateur que tu connais bien, l’avare Scévola, fendant la foule :

— Çà, me dit-il, Martial, les calendes de janvier s’approchent : bientôt chevaliers et sénateurs vont se parer de la robe des festins ; l’esclave lui-même s’apprête à remuer son cornet et ses dés sans craindre que l’édile le fasse plonger dans l’eau froide ; bientôt va venir l’heure des présents. Je te prie, Martial, de me faire des vers pour chacun des cadeaux que j’ai à faire, afin que ton vers rehausse quelque peu la valeur de ces bagatelles. — Oui, c’est ainsi que me parlait cet avare Scévola ; et moi, en souriant de pitié, je lui demandai ce qu’il voulait donner.

— Mais, reprit-il, peu du chose ; par exemple, des tablettes de ci-