Page:Martial - Épigrammes, traduction Dubos, 1841.djvu/580

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Est près de perdre patience ; Quand le lecteur, par procédé, Ou peut-être aussi par prudence, Arrivé d’ailleurs à la fin De son infernal parchemin, Juge à propos de lever la séance. A ce signal si longtemps attendu, Tout l’auditoire morfondu Passe au salon, et là chacun espère Retrouver un voisin ou quelque ancien confrère, Embrasser un ami toujours cher à son cœur. Vain espoir ! au salon il retrouve l’auteur, Qui lui fait jusqu’au bout, pour épreuves dernières, Avaler au café la table des matières, Avec le visa des censeurs Et l’adresse de ses libraires. Que Dieu bénisse nos auteurs Soit poètes, soit prosateurs ! Leur âme est vraiment débonnaire. Que de tourments, que d’efforts pour nous plaire ! Que de jours sans repos, que de nuits sans sommeil ! A son lever, chaque jour le soleil Les voit, la plume en main, devancer sa lumière, Poursuivre leurs travaux comme lui sa carrière, Jusqu’à ce qu’il s’efface à l’horizon vermeil. Enfin de tant de soins quel est l’heureux salaire ? Un battement de mains, quelque bravo précaire, D’un auditeur trop lent avec peine obtenus. Peut-on leur envier d’aussi faibles tributs ? Pourquoi, par froids dédains ou caprices bizarres, D’un léger grain d’encens nous montrons-nous avares ? Après tout, leur travail a bien aussi son prix. Oui ; mais je ne veux pas que de lui-même épris, Un auteur, s’il advient qu’à dîner il m’invite, En présence des plats m’étale son mérite ; Je sais aux grands talents comme un autre applaudir ; Mais bonnement je m’imagine Que, comme au lit on entre pour dormir, A table on s’assied pour qu’on dîne. Grâce, du moins jusqu’au dessert !! Lecteurs trop empressés, vous parlez à merveille ; Mais ventre à jeun n’a point d’oreille,