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histoire des églises et chapelles de lyon

la lâcheté de l’âme et de la paresse d’esprit. Sorti lui-même du peuple, toute son œuvre fut pour le peuple.

Le fondateur des Petits-Frères de Marie tourna de bonne heure ses facultés vers l’action, ayant constaté, après tant de saints, que c’est l’action constante et croissante qui suggère les pensées généreuses. Il s’approvisionna, par ses humbles labeurs, d’une intelligence et d’une vision nettes de la spiritualité et de la vraie direction. Ses entretiens, ses sermons, ses exhortations, ses colloques, dont ses disciples ont gardé quelque chose, sont remplis de traits, non seulement d’un bon sens assuré et impérieux, mais d’une délicatesse précieuse et claire. Son style, lui aussi, est fait directement des qualités de sa sainteté : fermeté, précision, lucidité, et cela dans les mots du meilleur choix. C’est le cas de répéter : « Aimez et comprenez toutes choses par la piété, et le reste vous sera donné par surcroît » ; le reste, c’est-à-dire les mille succès secondaires, qui ne sont que des conséquences, et où le monde croit pourtant voir des dons miraculeux. Parmi ces succès en est-il aucun qui soit aussi glorifié et envié que l’éloquence ? Or, c’est un fait connu que la piété raisonnée et ardente apprend l’éloquence.

Le père Champagnat en fit l’épreuve. La parole efficace jaillissait de ses lèvres comme le bon exemple ; il ne dut presque rien aux méthodes humaines, ni à l’étude approfondie de l’attitude et du geste. Il ne fut ni un lettré, ni un philosophe, ni un théologien. Il fut plus et mieux : une âme docile à l’évidence des simples principes de la foi, riche par conséquent de tous les moyens de connaître et de faire connaître Dieu.

Il naquit le 20 mai 1789 à Marlhes, paroisse située près les montagnes du Pilât, dans le canton de Saint-Genest-Malifaux. Cette paroisse faisait alors partie du diocèse du Puy-en-Velay. On sait que ce diocèse ne fut pas rétabli par le Concordat de 1801 et que le territoire en fut rattaché au diocèse déjà trop étendu de Lyon. Dès lors on se doute que l’instruction et les secours religieux n’abondèrent pas à Marlhes, outre que le village était d’accès fort difficile. Mais encore les bonnes populations, fermes sur leur territoire, rudes aux nouveautés révolutionnaires, avaient-elles gardé une solide fidélité à l’Église et suppléaient-elles de toute leur bonne volonté au défaut d’instruction et de consolations spirituelles où les laissait leur isolement.

Quand vint au monde l’émule du bienheureux de La Salle, le futur restaurateur de l’instruction chrétienne des enfants du peuple, la révolution, dont il devait plus tard réparer les ruines dans l’âme des innocents, commençait à se développer. Les parents de notre héros étaient d’excellents chrétiens : son père Jean-Baptiste Champagnat, et sa mère Marie Chirat, l’élevèrent avec une force et une douceur qui montraient leur raison et leur amour. Il était le dernier de six enfants, trois garçons et trois filles, et ne fut pas un médiocre Benjamin. Le père avait du jugement et il était, de plus, très instruit pour le temps et le pays où il vivait. Les habitants de Marlhes, peu versés dans les lettres, ne cessaient de le prendre pour conseiller et pour arbitre dans leurs intérêts et leurs différents. Marie Chirat réalisait la perfection de la femme d’intérieur, prudente et énergique, économe et charitable, modeste et vigilante. Elle exigeait de ses fils comme de ses filles, beaucoup de retenue en paroles ; elle les accoutumait aussi à la sobriété du corps,