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histoire des églises et chapelles de lyon

ou à louer. » Grâce à un généreux bienfaiteur, il acheta le Prado. Il était au comble de ses vœux ; désormais il pourrait non seulement catéchiser et préparer à la première communion les enfants abandonnés, mais encore les instruire plus à loisir, les cultiver, démêler en eux les sentiments diminués ou étouffés par le vice ou la détresse, passer en un mot du négatif au positif, comme il le disait lui-même et beaucoup trop modestement.

Il possédait maintenant, pour déployer et abriter l’élan de son zèle, 1.000 mètres de superficie. Il en fit d’abord les honneurs au seul vrai propriétaire, en construisant une humble chapelle que le curé de Saint-Louis bénit le lundi de Pâques 1861. Le reste de son histoire est connu de tous les Lyonnais : l’œuvre s’accrut merveilleusement ; non seulement le peuple fut touché de voir un prêtre vivre de sa vie, l’aggraver d’austérités et de renoncements volontaires, et se priver du nécessaire pour nourrir et élever ses fils, mais il comprit toute la grandeur de son abnégation et crut à la sainteté de son apostolat. Comment se serait-il soustrait à l’empire de tant de simplicité dans le sacrifice ? Les anecdotes édifiantes et amusantes à cet égard sont innombrables. Toujours est-il que le bon sens et la charité du père Chevrier le rendirent si populaire, qu’il lui fallait souvent se soustraire aux ovations, par la fuite. Ses pupilles entretenaient son culte, on peut le dire, par leurs récits émus et véridiques. En 1865, il ajouta à l’œuvre des premières communions une école cléricale. Faire des prêtres, parfois avec des rebuts de la société, c’était son magnifique désir : Dieu lui donna de le réaliser.

Enfin, le zélé fondateur, après avoir surmonté les difficultés et les contradictions accoutumées en pareil cas, avoir institué une fervente communauté d’apôtres pour l’aider à enrichir le monde d’honnêtes gens et l’église de prêtres exemplaires, mourut le 2 octobre 1879, brisé de travail mais plein de jours. On l’appelait le second dom Bosco, l’émule du curé d’Ars, qu’il alla voir plusieurs fois et qui discerna son avenir et celui de son œuvre. Il n’est pas utile de s’étendre sur ses talents : mentionnons seulement qu’il écrivait et parlait avec la soudaine et robuste éloquence dont déborde l’âme qui jouit de la foi directe, immédiate, qui vit simplement et acquiert par là une force irrésistible.

Disons en finissant un mot de l’humble chapelle qui fut restaurée peu après avoir été improvisée. Dès l’entrée, apparaît au chœur, derrière l’autel, un très grand crucifix, le crucifix qu’il faut à la maison. Le front est couronné d’épines et largement auréolé ; le Christ jette sur la terre un regard de miséricorde dont l’expression est extraordinaire. Autour de la croix se trouve la Vierge, saint Jean et Marie-Madeleine. Deux anges prient de chaque côté de l’autel ; à gauche du Christ, du côté de l’épitre, se trouve toujours l’humble chaire où le Père Chevrier fit entendre si souvent sa douce et pénétrante voix ; tout auprès s’élève l’autel de la Sainte-Vierge, patronne de la chapelle sous le vocable de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Elle tient entre ses mains la couronne d’épines ; ses yeux baignés de pleurs sont tournés vers le ciel ; autour de la statue sept petits tableaux représentant les sept glaives qui percèrent son cœur, c’est-à-dire les sept scènes principales de la Vie et de la Passion de son divin Fils. La sainte table est la barrière même qui autrefois séparait les musiciens des danseurs dans la salle du bal. Elle se trouve là pour annoncer que Dieu appelle à lui les pécheurs, et que toute chose peut devenir l’instrument de sa grâce.