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histoire des églises et chapelles de lyon

cadeter avec de grandes pierres de taille. C’était à qui ferait des présents pour ce sujet. Mme de Pradel, belle-sœur de notre sœur la déposée, lui donna cent francs. Elle fit faire à un très excellent sculpteur un buste de notre saint, de pierre blanche, revêtu pontificalement avec la mitre en tête, et une corniche au-dessous et deux anges de côté avec l’inscription du temps qu’il souffrit le martyre. Pour le faire honorer à perpétuité dans ce lieu, elle fit faire de belles marches pour entrer dans la grande prison, avec une très belle porte qu’elle fit peindre, fit blanchir toutes les avenues ornées avec de belles sentences et tableaux, le tout fort propre, et qui ressemble plus à une chapelle qu’à un lieu de sépulture, et qui est éclairé d’une lampe qui est allumée devant le saint cachot.

« Lorsque tout fut en état, la divine Providence fit venir Mgr de Montmorin, pour lors évêque de Die, et à présent archevêque de Vienne. Elle lui raconta naïvement son songe et tout ce qui lui était arrivé ensuite et les grâces intérieures qu’elle tenait dans le secret pour tout le monde excepté pour ce grand prélat, auquel elle en fit confidence. Ce bon seigneur était ravi de tout ce récit, et il s’offrit à elle pour tenir le buste. Le jour fut arrêté, il vint avec M. le comte Destin, de Saint-Jean, et qui est à présent Mgr l’évêque de Saint-Flour. Ils furent suivis de M. Deville, notre père spirituel ; M. Basset, obéancier de Saint-Just ; MM. Blauf et du Soleil, chanoines de cet illustre corps ; MM. Maillard et Bourelieu, supérieurs du séminaire de Saint-Irénée ; M. Charier, chanoine d’Ainay ; l’aumônier des dames de Saint-Pierre, et plusieurs autres ecclésiastiques de mérite, parents et amis de nos sœurs, avec M. Gimel notre confesseur. Tous assistèrent à cette cérémonie dans la prison des martyrs de Lyon avec grande dévotion et ferveur, surtout Mgr Destin qui fut deux fois faire sa prière dans ce saint cachot avant que de sortir de notre maison ; ce qui lui attira la protection de saint Pothin par une merveilleuse guérison d’un grand mal de tête que ce seigneur avait toutes les nuits depuis longtemps, qui dégénérait en rage et qui le tourmentait cruellement et continuellement, surtout la nuit qu’elle augmentait. Ce jour où il en fut fort incommodé céans, et la nuit suivante elle augmenta de telle sorte qu’il fut obligé de demander la protection de saint Pothin, n’osant pas lui demander la guérison, à lui qui avait tant souffert pour Dieu ; mais enfin sa douleur devint si cuisante qu’il fut contraint de s’écrier : Ô grand saint, s’il est vrai que vous êtes mort dans ce cachot où j’ai eu le bonheur d’entrer aujourd’hui, je vous prie de me guérir, et je vous promets que demain j’irai dire la messe à l’Antiquaille à votre honneur et gloire. Il n’eut pas sitôt fait cette prière que la douleur cessa, et depuis il ne s’en est plus ressenti. Le lendemain au matin, son carrosse fut à notre porte, il raconta sa guérison à notre Mère.

« Après la dévotion de Messieurs les ecclésiastiques, les dames de Lyon voulurent faire la leur. M. Deville, notre père spirituel, à la persuasion de Mgr de Montmorin, donna deux permissions à chaque religieuse de ce monastère pour faire entrer deux de leurs parentes ou amies, ce qui se fit dans un même jour, après midi sonné, avec grande affluence, et beaucoup de dévotion, et plusieurs saintes âmes reçurent dans le saint cachot des grâces singulières.

« Le bruit courut dans Lyon que nous avions trouvé le corps de saint Pothin et qu’il