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saint-bonaventure

pale avait voté, le 20 novembre précédent, sur sa proposition, 40.000 francs, répartis en quatre annuités. C’était un peu moins des deux tiers de la dépense prévue.

L’adjudication de la maçonnerie eut lieu, le 11 mai 1858, et le chantier fut immédiatement livré aux pics des démolisseurs. On ne se tromperait guère, si l’on attribuait aux circonstances extérieures une influence prépondérante, dans le réveil inopiné de cette affaire, et dans les allocations dont la préfecture accompagna son approbation. Depuis deux ou trois ans, d’énormes changements s’étaient opérés dans le quartier : la création de la place Impériale, le percement de la rue du même nom, aujourd’hui place et rue de la République, avaient substitué aux rues étroites et sombres d’autrefois, à leurs maisons, coupées par des allées traversières, aux galeries de bois et aux courettes humides, si propices à l’étendage et à la conversation des ménagères, un long tracé rectiligne, bordé d’habitations de cinq à six étages, avec des rez-de-chaussée somptueux, où la mode étale ses nouveautés, la soierie ses chatoyants tissus, les orfèvres des rivières de diamants, les cafés leurs décorations et leurs lustres. La place des Cordeliers n’est plus reconnaissable : les parasols des petites marchandes ont disparu ; les charrettes de la Bresse et du Dauphiné ne stationnent plus ; la fameuse colonne du méridien, qui porta si longtemps, sur un fût conique de 20 mètres de hauteur, la déesse Uranie et, des flots de sa fontaine, abreuva tant de générations, a été jetée par terre ; renversée aussi la salle du Concert, qui coupait si malencontreusement la perspective, par-dessus le pont La Fayette, de la plaine des Brotteaux ; un élégant marché couvert, autant que l’élégance peut entrer dans ces immenses charpentes de fer et de verre, a recueilli les boutiques errantes ou en plein vent des poissonnières et des fruitières ; le Palais du Commerce, la plus belle œuvre architecturale du xixe siècle, dans notre ville, dressait, vis-à-vis du portail de Saint-Bonaventure, la principale façade de son quadrilatère, avec son monumental perron. Il eût été choquant d’évincer l’église de ce rajeunissement universel et de la maintenir, seule, au centre de tant de bâtisses neuves, déshonorée par les marques d’une vétusté enlaidie, qui n’intéressait même pas les archéologues.

Mr Benoît, dans la réfection qu’il dirigea, s’inspira de ce qui existait auparavant et ne se proposa que d’en reconstituer une copie améliorée. En conservant les principales dispositions et les grandes lignes de l’ancienne façade, qui remontait à l’année 1471, il en augmenta les ornements, il agrandit le diamètre des rosaces, et surtout il s’appliqua à donner à l’ensemble un air moins tassé, dégagé en hauteur ; il redressa l’ogive dans une pointe plus élancée ; il s’efforça d’atteindre un gothique plus pur, moins mélangé d’italien, quoique plus élégant. Il sema çà et là des monogrammes et des blasons, sculpta dans les contreforts deux niches, qui ont été garnies, seulement il y a trois ans, de statues de saint François et de saint Antoine, et il termina le fronton par une croix fleuronnée, au lieu d’un Christ enseignant, qu’il avait eu d’abord l’intention d’y placer. Il est fâcheux, de l’avis des juges compétents, que la différence sensible de niveau, entre la toiture et le sommet du pignon central, ait nécessité cette espèce de pigeonnier couvert d’ardoises, qui semble, dans son isolement aérien, perpétuellement attendre un prolongement qui ne vient jamais.