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histoire des églises et chapelles de lyon

façade. Il a eu la bonne fortune de mettre en valeur les longs labeurs de ses prédécesseurs et de forcer de rendre aux vieux Cordeliers une réputation, que la presse et l’opinion leur refusaient de parti pris, parce que, les apercevant si laids en dehors, on n’entrait pas, pour les admirer au dedans. Il est singulier, en effet, de lire les jugements sévères, ! sinon exagérés, portés sur notre église par les archéologues et les journalistes modernes : Kauffmann, dans Lyon ancien et moderne, acrimonieux contre les moines jusqu’au dénigrement, trouve à leur temple, en 1838, « un aspect de misère et de dégradation » « Une teinte jaunâtre, du plus triste effet, revêt ses murailles, où la poussière est largement sillonnée par la pluie ; le sol est affaissé et pauvrement recouvert de petits carreaux ; le chœur, fermé avec des dalles debout, liées ensemble par des tenons de fer ; c’est triste et froid. » Le Salut Public, vingt ans après, le 25 août 1857, ne tenait pas un langage moins désespérant. « L’aspect extérieur, écrivait son chroniqueur, est celui d’un vaste hangar, surmonté d’un pigeonnier. À l’exception de la rosace, qui est au-dessus du portail et du petit porche, situé à l’ouest, tout est vulgaire, dégradé. Les flancs et les chevets de cette vaste maçonnerie sont cerclés de maisons élevées et de boutiques basses, où s’exercent des industries puantes : on dirait un vieux ponton, amarré entre des estacades vermoulues. » Quelles plaintes auraient exhalées ces délicats critiques, si Saint-Bonaventure, débarrassé de ses échoppes, des maisons qui l’enserraient, en le, protégeant, leur fut apparu, dans la nudité de ses murs dégradés, tristes, béants et lézardés, ici, plaqués de plâtras s’effondrant par vastes morceaux, là, piqués de trous, ouverts par les solives arrachées. La solidité du monument en souffrait, au moins autant que sa beauté ; à certains endroits, l’humidité avait rongé la pierre, au point de n’être plus qu’un agglomérat de poussière, et sa lèpre, qu’elle avait étendue de la toiture au sol, était une évidente menace de prochain écroulement. Les travaux, si je ne me trompe, commencèrent au printemps de l’année 1904. M. le curé en assuma l’entière responsabilité morale : il choisit son entrepreneur, M. Durel ; il indiqua ses vues à l’architecte, M. Benoît, le troisième d’une dynastie, où le compas et le crayon ne tombent de la main du père que pour être recueillis par le fils ; il discuta et approuva ses plans : le Conseil de fabrique se tint, officiellement, en dehors du projet et de son exécution : il n’intervint qu’afin d’obtenir l’alignement, pour l’angle nord-ouest, où il s’agissait de restituer à l’église l’ancienne chapelle dont le presbytère l’avait privée. Hélait entendu qu’il ne sortirait pas de sa caisse un centime dans ces colossales dépenses. Tous les mémoires furent acquittés par M. Protière ; il n’est que juste, comme il se plaisait lui-même à le répéter, de dire que, dans ces circonstances, Salomon improvisé, il avait rencontré son David, libéral autant que prévoyant. Depuis longtemps, M. Méchin économisait et se préparait à l’échéance formidable, qu’il rendit aisée à son successeur : celui-ci fut le bras de l’entreprise, celui-là s’en était constitué le banquier. Il n’y a aucun motif de taire que les quittances montèrent au total de 131.000 francs. On choisit le 29 juin 1905, pour inviter les paroissiens à remercier Dieu de ce qu’il avait permis d’accomplir ; M. le chanoine Condamin se chargea, dans un éloquent discours, de raconter l’histoire du présent, en l’unissant à celle du passé, et il appela, en termes délicats, à l’honneur, le jour même de sa fête, le pasteur qui avait été à la peine, avec tant d’audace et d’élan.