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lantes, Chriemfaill prend congé de Sigfrid par ces mots que les événements ne justifieront que trop vite : « En voyant que tu veux t’éloigner de moi, je sens une douleur profonde. »

La chasse est terminée. Les héros, après tant d’heures passées à courir aux ardeurs d’un soleil d’été, n’en peuvent plus de fatigue et de soif, Sigfrid surtout, qui a tué le plus de gibier. Or, les provisions de vin sont épuisées, et le Rhin ne coule qu’à une grande distance. Heureusement Hagen sait l’existence d’une source dans un bois peu éloigné. Il donne le conseil de marcher dans cette direction. On suit son avis, et l’on ne tarde pas à découvrir au loin le vaste tilleul à l’ombre duquel jaillit la source tant désirée. Alors le perfide Hagen : « J’ai souvent ouï dire que nul ne pourrait égaler à la course le rapide Sigfrid, époux de Chriemhilt ; lui plairait-il de nous en donner une preuve ? — Courons ensemble au plus vite jusqu’à la source, répondit Sigfrid ; je garderai mon accoutrement de chasse, mon épée, mon bouclier et ma lance ; toi, tu te débarrasseras de tes habits. » Le défi est accepté ; la course commence. Semblables à des panthères acharnées après leur proie, Hagen et Gunther bondissent sur l’herbe touffue du bois ; mais Sigfrid touche le but long-temps avant eux. Plein de sécurité, il dépose alors son épée, son arc et son carquois, appuie sa lance contre une branche de tilleul, et place son bouclier au bord de la source, attendant la venue du roi, afin de le laisser boire le premier. Cette déférence lui valut la mort. Gunther arrive et boit ; quand il a fini, Sigfrid s’incline à son tour au-dessus de la source. Soudain Hagen s’élance, emporte et cache toutes les