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Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/115

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armes qu’il peut saisir, l’épée, l’arc et le carquois ; puis, s’armant de la lance, il en dirige la pointe contre la croix brodée par la main de Chriemhilt dans le vêtement de Sigfrid ; le héros, encore penché pour boire, a le cœur percé par son propre fer, et son noble sang inonde son meurtrier. Frémissant de rage, le héros mortellement blessé se relève d’un bond ; hors de sa poitrine s’allonge le fer qui a pénétré entre les épaules. Il avance la main du côté où il avait déposé son arc et son épée, il ne trouve plus ses armes. Alors il saisit son bouclier resté près de lui au bord de la source, et en assène de grands coups sur les épaules de Hagen ; son bras furieux frappe avec une telle force, que les pierres précieuses enchâssées dans la bordure du bouclier s’en détachent ; il porte des coups si terribles, que Hagen est renversé par terre et que le bouclier se brise ; le bois résonne au loin. Enfin, le héros pâlit ; ses genoux chancellent ; la force abandonne son noble corps : la mort l’a désigné. L’époux de Chriemhilt tombe au milieu des fleurs, et son généreux sang jaillit à flots épais de sa blessure. Il profite de son dernier souffle pour adresser ces reproches à ses meurtriers : « Lâches que vous êtes, c’est donc ainsi que vous savez reconnaître mes services ! Vous payez par la mort ma fidélité, et vous préparez à vos alliés et à vos parents une douleur profonde ! »

En ce moment solennel, tous les chevaliers formant la suite des Bourguignons s’approchent à la hâte de la place sanglante, et font cercle autour du héros mourant. Plus d’une plainte se fait entendre. Sigfrid reste muet. Cependant le roi de Bourgogne lui-même n’est plus maître de réprimer le chagrin que lui cause