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Abîmés dans leurs réflexions, tous deux cheminaient mornes et silencieux. Seul, l’homme mûr paraissait sensible aux beautés de cette heure ineffable.

Il cueillait les fleurs des prairies, aspirait les divers arômes, et répondait aux concerts du rossignol par ses propres accents.

À la fin, le silence de ses compagnons l’attristant : — Que ruminez-vous donc si gravement ? leur dit-il.

Pourquoi tenir vos regards toujours ainsi fixés sur le sol ? Pourquoi fermer vos yeux et votre cœur à cette fête éclatante du ciel ?

Le vieillard répondit : — Je pense à ma jeunesse qui m’a fui pour toujours ; je pense aux grandeurs du passé,

À la beauté de ces temps où toute croyance et toute loyauté n’avaient pas encore déserté le pays, de ces temps où brillaient encore la liberté, le droit et les cœurs purs.

Le jeune homme dit à son tour : — Je contemple au fond de moi l’incomparable splendeur des temps futurs, les félicités réparatrices de l’avenir.

Amen ! reprit en souriant l’homme mûr. Je serai donc seul à me réjouir du présent.

Continue, bon vieillard, continue à vivre uniquement dans le passé ; et toi, jeune homme, poursuis ton rêve, ta brillante chimère d’un avenir meilleur.

Pour moi, j’aime mieux rafraîchir ma lèvre aux fruits dorés de l’arbre de vie ; quant au passé, à l’avenir, je me borne à les saluer en songe.


Ici encore, il me serait facile de multiplier les citations ; mais, je le répète, il me faut courir à travers ce vaste domaine, si je veux avoir le temps d’en indiquer au moins les lignes essentielles. J’ai honte vraiment de ces procédés d’information sommaire appliqués à des poètes qui, la plupart, comporteraient une