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Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/89

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Tel est l’inventaire des principaux poëmes dont se compose l’épopée nationale allemande. Il ne peut être inutile de rappeler maintenant en peu de mots les jugements qu’en ont portés des critiques considérables. Quant à la valeur de ces poèmes, même dans l’état imparfait où il nous sont parvenus, dit Gervinus, elle nous paraît aujourd’hui bien autrement importante que ne le trouvaient jadis les chantres pieux et les poètes de cour. Seule parmi tous les poèmes du monde chrétien, l’épopée des Nibelûngen se rattache à l’antiquité par sa forme plastique, objective, populaire, ainsi que par les souvenirs historiques qui en forment le fond. Elle est le fruit de cette poésie primitive qui naît de la pure contemplation des choses, et qui chante et décrit ses impressions sans parti pris et sans système.

Guillaume Grimm fait ressortir les différences qui existent entre les chants de l’Edda et le poème des Nibelûngen : les Nibelûngen ne se bornent pas à suivre les traditions et à les présenter sous un jour lumineux ; ils s’appliquent surtout à en développer le plus possible le contenu. Ce but y a été atteint avec une plénitude de réalité qui prend sa source dans une fraîcheur et une vivacité de sentiment dont chaque vers, chaque mot du poème est pénétré. L’Edda raconte avec plus de précision, elle semble pressée de finir ; dans les Nibelûngen, au contraire, règne une tranquillité inaltérable qui accorde aux moindres parties de la fable une égale attention, et s’applique à leur donner à toutes le même développement harmonieux. L’élévation qui distingue les chants de l’Edda ne se trouve pas, à vrai dire, au même degré dans le poëme des Nibelûngen. En revanche, l’Edda manque du