Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/90

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charme, de la grâce touchante, de l’effusion naïve dont l’épopée allemande est remplie, qualités qui lui gagneront toujours les âmes simples et pures. Les Nibelûngen sont comme l’épanouissement majestueux de cette époque débordante de sève et de vie, où la forme poétique dans laquelle nous la possédons aujourd’hui s’est fixée. Ils réfléchissent la vie publique et privée, les mœurs et les coutumes de ce temps, l’éclat de ses fêtes, et surtout son organisation sociale. La réalité y domine partout, mais dans la splendeur du rayon poétique.

Gervinus admire la délicatesse d’exécution qu’un œil exercé remarquera dans Gûdrûn, « le pendant des Nibelûngen, l’Odyssée germanique à côté de l’Iliade germanique. » C’est le chant de la fidélité et de la vertu telles que l’âge héroïque semble les avoir cultivées mieux qu’aucun autre. Sous le rapport de l’habile souplesse du langage, de la richesse des pensées, des images, des rimes, en un mot de tout ce qui concourt à la perfection d’une œuvre d’art, Gervinus fait passer Gûdrûn avant les Nibelûngen. Les situations y sont plus vives, les caractères dessinés en général d’un crayon plus ferme, quoique dans des proportions moins colossales. On y retrouvera à chaque pas le contre-coup des immenses chocs d’hommes et de peuples qui avaient lieu dans la mer du Nord, et dont le poëme reproduit les instincts aventureux et les passions : à ce titre, la valeur historique de Gûdrûn est incontestable.

Grimm s’exprime avec la même admiration. Suivant ce judicieux critique, le poëme ne s’épanouit dans toute sa fleur qu’au moment Gûdrûn arrive en Nor-