Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/165

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La porte de Jenny était ouverte.

Daniel, un genou plié, la tête sur les draps, avait mis ses lèvres sur les mains de sa sœur, qu’il tenait réunies dans les siennes. Jenny avait pleuré ; ses bras tendus tiraient de biais le buste hors des oreillers ; l’effort se lisait sur ses traits, où l’amaigrissement n’avait laissé d’expression qu’aux yeux : regard encore maladif, toujours un peu dur et volontaire, regard de femme déjà, énigmatique, et qui semblait avoir pour longtemps perdu sa jeunesse et sa sérénité.

Mme de Fontanin s’approcha ; elle faillit se pencher, serrer les deux enfants dans ses bras ; mais il ne fallait pas fatiguer Jenny ; elle obligea Daniel à se relever, à l’accompagner dans sa chambre.

La pièce était gaîment éclairée. Devant la cheminée, Mme de Fontanin avait préparé la table à thé : des tartines grillées, du beurre, du miel, et, bien au chaud sous une serviette, des châtaignes bouillies, comme Daniel les aimait. Le samovar ronronnait ; la chambre était tiède, l’atmosphère douceâtre : Daniel pensa se trouver mal. De la main, il refusa l’assiette que sa mère