Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/171

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ne pouvant se défendre d’un regret ; et, dans la glace, elle aperçut Jérôme, qui était derrière elle : il lui souriait, et, sans qu’elle y prit garde, ce sourire la consola. Il avait l’air amusé ; il frôla du doigt une mèche décolorée qui flottait dans la lumière :

— « Rien ne pouvait vous aller si bien, Amie ; rien ne pouvait accuser mieux — comment dire ? la jeunesse de votre regard. »

Elle dit, comme pour s’excuser, mais surtout pour masquer un secret plaisir :

— « Ah, Jérôme, j’ai passé des jours et des nuits atroces. Mercredi on avait tout tenté, on n’osait plus espérer… J’étais toute seule ! J’ai eu si peur ! »

— « Pauvre Amie », s’écria-t-il avec élan. « Je suis désolé, j’aurais si facilement pu revenir ! J’étais à Lyon pour l’affaire que vous savez », reprit-il, et avec tant d’assurance qu’elle se prit à chercher un instant dans sa mémoire. « J’avais tout de bon oublié que vous n’aviez pas mon adresse. D’ailleurs, je n’étais parti que pour vingt-quatre heures : j’ai même perdu le bénéfice de mon billet de retour. »

À ce moment il se souvint que depuis longtemps il n’avait pas remis d’argent à