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Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/184

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affreusement tard. Je vous en prie… Demain. » Il jeta les yeux sur le cadran, de là sur le grand lit préparé où gisait l’oreiller solitaire.

C’est à ce moment qu’elle ajouta :

— « Vous allez avoir de la peine à trouver une voiture. »

Il eut un geste vague, étonné ; il n’avait jamais eu le dessein de ressortir ce soir. N’était-il pas chez lui ? Sa chambre, toujours prête, l’attendait ; il n’avait qu’à traverser le couloir. Combien de fois était-il rentré, en pleine nuit, après quatre, cinq, six jours d’absence ? Et on le voyait apparaître au petit déjeuner, en pyjama, rasé de frais, plaisantant et riant haut pour vaincre chez ses enfants cette silencieuse défiance qu’il ne s’expliquait pas. Mme de Fontanin savait tout cela, et elle venait de suivre sur ses traits la courbe de sa pensée ; mais elle ne transigea pas et ouvrit la porte qui donnait sur le vestibule. Il passa, assez penaud dans le fond, mais gardant l’allure d’un ami qui prend congé.

Tandis qu’il endossait son pardessus, il songea qu’elle était sans argent. Il eut fait, sans hésiter, l’abandon des quelques billets