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Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/200

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pour cette brebis souvent égarée une dilection particulière, mêlée de curiosité et d’estime ; il avait bien distingué quelles forces gisaient là.

Il s’assit et fit venir le gamin devant lui :

— « As-tu au moins demandé pardon à ton père ? » reprit-il, quoiqu’il sût fort bien à quoi s’en tenir. Jacques lui en voulut de cette feinte ; il leva sur lui un regard lisse, et fit signe que non. Il y eut un court silence.

— « Mon enfant », poursuivit le prêtre d’une voix contristée, un peu hésitante, « tout cela me fait beaucoup de peine, je ne le cache pas. Jusqu’ici, malgré ta dissipation, j’ai toujours pris ta défense auprès de ton père. Je lui disais : “ Jacquot a bon cœur, il y a de la ressource, patientons. ” Mais aujourd’hui, je ne sais plus que dire, et, ce qui est plus grave, je ne sais quoi penser. J’ai appris sur toi des choses que jamais, jamais je n’aurais osé soupçonner. Nous reviendrons là-dessus. Mais je me disais : “ Il aura eu le temps de réfléchir, il nous reviendra repentant ; et il n’y a pas de faute qui ne puisse être rachetée par une sincère contrition. ” Au lieu de cela, te voici avec ta mauvaise figure, sans un geste