Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/41

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se fût brusquement établie entre eux. Elle se leva : « Que votre frère et mon fils aient combiné ensemble je ne sais quelle escapade, c’est possible ; quoique Daniel n’ait jamais prononcé devant moi ce nom de… ? »

— « Thibault. »

— « Thibault ? » répéta-t-elle avec surprise, sans achever sa phrase. « Tiens, c’est étrange : ma fille, cette nuit, dans un cauchemar, a prononcé distinctement ce nom-là. »

— « Elle a pu entendre son frère parler de son ami. »

— « Non, je vous dis que jamais Daniel… »

— « Comment aurait-elle su ? »

— « Oh », fit-elle, « ces phénomènes occultes sont si fréquents ! »

— « Quels phénomènes ? »

Elle était debout ; sa physionomie était sérieuse et distraite :

— « La transmission de la pensée. » L’explication, l’accent, étaient si nouveaux pour lui, qu’Antoine la regarda curieusement. Le visage de Mme  de Fontanin n’était pas seulement grave, mais illuminé, et sur ses lèvres errait le demi-sourire d’une croyante qui, en ces matières, est habituée à braver le scepticisme d’autrui.