Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/42

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Il y eut un silence. Antoine venait d’avoir une idée ; l’entrain du policier se réveillait :

— « Permettez, Madame : vous me dites que votre fille a prononcé le nom de mon frère ? Et qu’elle a eu toute la journée d’hier une fièvre inexplicable ? N’aurait-elle pas reçu des confidences de votre fils ? »

— « Ce soupçon tomberait de lui-même, Monsieur », répondit Mme de Fontanin avec une expression indulgente, « si vous connaissiez mes enfants et la façon dont ils sont avec moi. Jamais ils n’ont eu, ni l’un ni l’autre, rien de caché pour… » Elle se tut : elle venait d’être frappée au vif par le démenti que lui donnait la conduite de Daniel. « D’ailleurs », reprit-elle aussitôt, avec un peu de hauteur, et en s’avançant vers la porte, « si Jenny ne dort pas, questionnez-la. »


La fillette avait les yeux ouverts. Son visage fin se détachait sur l’oreiller ; les pommettes étaient fiévreuses. Elle serrait dans ses bras la petite chienne, dont le museau noir dépassait drôlement le bord des draps.