Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/101

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annobli ; il avait plaisir à se trouver maintenant si joyeux et si fort. Il comparait sa vie à celle de Jacques : « Pauvre bougre, il lui arrive toujours des choses qui n’arrivent à personne ! » Il voulait dire : « des choses comme il ne m’en est jamais arrivé. » Il le plaignait ; mais il éprouvait surtout une jouissance très vive à être Antoine, cet Antoine équilibré, si bien organisé pour être heureux, pour devenir un grand homme, un grand médecin ! Il eut envie d’accélérer l’allure, de siffler gaîment. Mais Jacques traînait la jambe et semblait épuisé. D’ailleurs ils arrivaient à Crouy.

— « Confiance ! » murmura-t-il encore une fois, en pressant le bras de Jacques sous le sien.


M. Faîsme fumait son cigare devant le portail. Du plus loin qu’il les vit, il sautilla vers eux.

— « Eh bien, j’espère ! Quelle promenade ! Vous avez été voir Compiègne, je parie ! » Il riait d’aise, et levait les bras. « Par le bord de l’eau ? Ah, la jolie route ! Quel beau pays que le nôtre, pas vrai ? » Il tira sa montre : « Ce n’est pas pour vous comman-