Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/102

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der, docteur, mais si vous voulez ne pas manquer de nouveau votre train… »

— « Je me sauve », dit Antoine. Il se tourna vers son frère et sa voix s’émut : « Au revoir, Jacques. »

La nuit tombait. Il aperçut à contre-jour un visage soumis, des paupières battues, un regard perdu à l’horizon. Il répéta :

— « Au revoir ! »



Arthur attendait dans la cour. Jacques eût voulu prendre congé du directeur ; mais M. Faîsme lui tournait le dos : il poussait lui-même, ainsi que chaque soir, les verrous du portail. Au milieu des aboyements du chien, Jacques entendit la voix d’Arthur :

— « Eh bien, vous venez ? »

Il le suivit.

Il retrouva sa cellule avec une impression de soulagement. La chaise d’Antoine était là, près de la table. L’affection du frère aîné l’enveloppait encore. Il endossa ses vêtements de travail. Le corps était las, mais le cerveau alerte ; il y avait en lui, outre le Jacques de tous les jours, un autre être,