Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/104

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Jacques achevait son pain en trempant de grosses mies dans l’eau noire des lentilles. Lorsqu’il eût terminé :

— « Maintenant, au plumard », dit Arthur.

— « Mais il n’est pas huit heures. »

— « Allons, dépêche ! C’est dimanche. Les copains m’attendent. »

Jacques ne répondit rien et commença à se déshabiller. Arthur, les mains dans les poches, le regardait. Il y avait, sur cette face un peu bestiale et dans ce corps trapu de blond déménageur, quelque chose d’assez doux.

— « Le frangin », fit-il sentencieusement, « voilà un bonhomme qui sait vivre. » Il fit le geste de glisser une pièce dans son gousset, sourit, prit le plateau vide, et sortit.

Lorsqu’il revint, Jacques était au lit.

— « Ça y est déjà ? » Du bout des pieds le garçon poussa les bottines sous la toilette. « Dis donc, tu ne pourrais pas ranger un peu tes affaires avant de te coucher ? » Il s’approcha du lit. « Tu entends, petite grapule ?… » Il appuyait ses deux mains sur les épaules de Jacques et riait bizarrement. Un sourire de plus en plus pénible