Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/105

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déformait le visage de l’enfant. « Tu ne caches rien sous le polochon, au moins ? Pas de bougie ? Pas de bouquin ? »

Il avançait la main sous les draps. Mais, d’un mouvement qu’Arthur ne put ni prévoir ni retenir, le petit se dégagea et se jeta en arrière, le dos au mur. Ses yeux étaient pleins de haine.

— « Oh, oh », fit l’autre, « on est chatouilleux ce soir. » Il ajouta : « Je pourrais causer, moi aussi… »

Il parlait bas et surveillait de l’œil la porte du couloir. Puis, sans plus faire attention à Jacques, il alluma le quinquet qui restait toute la nuit en veilleuse pour la surveillance, ferma le commutateur avec son passe-partout, et sortit en sifflotant.

Jacques entendit la clef tourner deux fois dans la serrure, et l’homme s’éloigner en traînant sur le carreau ses semelles de corde. Alors il revint au milieu du lit, allongea les jambes, et resta étendu sur le dos. Ses dents claquaient. Toute confiance l’abandonna. Se rappelant sa journée, ses aveux, il eut un sursaut de rage, suivi d’un découragement qui le déchira : il entrevit Paris, Antoine, la maison, les disputes, le travail, le con-