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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/109

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paralysie le gagner. Il en eut conscience à temps, et fonça :

— « Moi aussi, je t’apporte de très mauvaises nouvelles : Jacques ne peut pas rester à Crouy. » Il reprit haleine, et continua d’un trait : « J’en arrive. Je l’ai vu. Je l’ai confessé. J’ai découvert des choses lamentables. Je viens en causer avec toi. Il est urgent de le sortir au plus tôt de là. »

M. Thibault demeura quelques secondes immobile. Sa stupeur ne fut perceptible que dans sa voix :

— « Tu… ? À Crouy ? Toi ? Quand ? Pourquoi faire ? Sans me prévenir ? Es-tu fou ? Explique-toi. »

Quoique soulagé d’avoir du premier bond franchi l’obstacle, Antoine était fort mal à l’aise et bien incapable de parler. Il y eut un silence étouffant. M. Thibault avait ouvert les yeux ; ils se refermèrent lentement, comme malgré lui. Alors il s’assit et posa ses poings sur le bureau.

— « Explique-toi, mon cher », reprit-il. Il martelait avec solennité chaque syllabe : « Tu dis que tu as été à Crouy ? Quand ? »

— « Aujourd’hui. »

— « Comment ? Avec qui ? »