Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/110

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— « Seul. »

— « Est-ce que… on t’a reçu ? »

— « Naturellement. »

— « Est-ce que… on t’a laissé voir ton frère ? »

— « J’ai passé toute la journée auprès de lui. Seul avec lui. »

Antoine avait une façon provoquante de faire sonner la fin de ses phrases, qui fouetta la colère de M. Thibault, mais l’avertit qu’il y avait lieu d’être circonspect.

— « Tu n’es plus un enfant », proclama-t-il, comme s’il eut constaté l’âge d’Antoine au son de sa voix. « Tu dois comprendre l’inconvenance d’une pareille démarche, à mon insu. Est-ce que tu avais une raison particulière pour aller à Crouy sans me le dire ? Est-ce que ton frère t’avait écrit, t’avait appelé ? »

— « Non. J’ai été pris de doute, tout à coup. »

— « De doutes ? Sur quoi ? »

— « Mais sur tout… Sur le régime… Sur les effets du régime auquel Jacques est soumis depuis huit mois. »

— « Vraiment, mon cher, tu… tu me surprends ! » Il hésitait, choisissant des