Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/112

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d’abord été discuté en séance d’un Conseil dont je suis le président ? Voyons ? »

— « Père, ce que j’ai vu là-bas… »

— « Assez là-dessus. Ton frère a pu te débiter tous les mensonges qu’il a voulus ; avec toi, il avait beau jeu ! Mais avec moi, ce sera une autre affaire. »

— « Jacques ne s’est plaint de rien. »

M. Thibault parut interloqué.

— « Eh bien, alors ? » lança-t-il.

— « Au contraire, et c’est le plus grave : il dit qu’il est tranquille, il dit même qu’il est heureux, qu’il se plaît là-bas ! » Et comme M. Thibault faisait entendre un petit rire satisfait, Antoine lâcha sur un ton blessant : « Le pauvre gosse a de tels souvenirs de la vie de famille, qu’il préfère encore sa prison ! »

L’offense manqua son but :

— « Eh bien, c’est parfait, nous sommes donc tous d’accord. Que veux-tu d’autre ? »

Antoine n’était plus assez certain d’obtenir la liberté de Jacques pour dévoiler à M. Thibault tout ce que les aveux de l’enfant lui avaient appris ; il résolut de s’en tenir à des griefs généraux et de dissimuler le reste.

— « Je vais te dire la vérité, père »,