Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/116

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au silence, père ! Je te répète que Jacques ne peut pas rester à Crouy. »

M. Thibault eut de nouveau un petit rire acerbe. Antoine fit un effort pour demeurer maître de lui.

— « Non, père, ce serait un crime que de laisser Jacques là-bas. Il y a, en lui, une valeur que l’on ne doit pas laisser perdre. Laisse-moi te dire, père : tu t’es souvent trompé sur son caractère : il t’agace et tu ne vois pas ses… »

— « Qu’est-ce que je ne vois pas ? Nous ne vivons tranquilles ici que depuis son départ. Est-ce vrai ? Eh bien, quand il sera corrigé, nous verrons à le faire revenir. D’ici là… » Son poing se souleva, comme s’il allait le laisser retomber de tout son poids ; mais il ouvrit la main, et posa doucement sa paume à plat sur le bureau. Sa colère couvait. Celle d’Antoine éclata :

— « Jacques ne restera pas à Crouy, père, je t’en réponds ! »

— « Oh, oh… », fit M. Thibault sur un ton persifleur. « Est-ce que tu n’oublies pas un peu trop, mon cher, que tu n’es pas le maître ? »

— « Non, je ne l’oublie pas. Aussi je te