Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/115

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que ton frère n’est pas transformé ? Il n’a plus jamais de colères ; il est discipliné, poli avec tous ceux qui l’approchent. Tu dis toi-même qu’il en est arrivé déjà à aimer l’ordre, la régularité de sa nouvelle existence. Hé mais, est-ce qu’il n’y a pas lieu d’être fier d’un tel résultat, en moins d’un an ? »

Il effilait entre ses doigts boudinés la pointe de sa barbiche ; et lorsqu’il eût terminé, il glissa vers son fils un coup d’œil oblique. L’organe sonore, le débit majestueux, prêtaient une apparence de force à ses moindres paroles ; et Antoine avait une telle habitude de s’en laisser imposer par son père, qu’au fond de lui-même, il faiblit. Mais M. Thibault commit une maladresse d’orgueil :

— « D’ailleurs je me demande pourquoi je prends la peine de défendre l’opportunité d’une sanction qui n’est pas et ne sera pas remise en question. Je fais ce que je crois devoir faire, en toute conscience, et n’ai de compte à rendre à qui que ce soit. Tiens-le toi pour dit, mon cher. »

Antoine se cabra :

— « Ce n’est pas le moyen de me réduire