Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/126

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Antoine, augmentée même à son insu par ces actes d’indépendance qu’il lui reprochait, ne cessait d’être sensible à travers ses paroles ; et l’abbé le nota.

Nonchalamment assis à son bureau, il donnait de temps à autre de petits signes approbateurs avec ses mains levées de chaque côté de son rabat. Mais dès qu’il fut question de Jacques, il dressa la tête, et son attention parut redoubler. Par une suite d’interrogations habiles, dont on ne pouvait deviner le lien, il se fit confirmer par le père tous les renseignements que venait de lui apporter le fils.

— « Mais… mais… mais ! » fit-il, comme se parlant à lui-même. Il se recueillit un moment. M. Thibault attendait, surpris. Enfin l’abbé prit la parole, avec décision : « Ce que vous me rapportez de l’attitude d’Antoine ne me préoccupe pas autant que vous, mon cher ami. Il fallait s’y attendre. Le premier effet des études scientifiques sur une intelligence curieuse et passionnée, est d’exalter l’orgueil et de faire vaciller la foi ; un peu de science éloigne de Dieu ; beaucoup y ramène. Ne vous effrayez pas. Antoine est à l’âge où l’on se précipite d’un extrême