Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/134

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d’y retourner ce soir », songea-t-il en s’asseyant, bien résolu à n’en rien faire. « Il me reparlerait de Jacques. J’ai dit non, c’est non. »

« Mais qu’est-ce qu’il a voulu dire, avec son histoire de pharisien ? » se demanda-t-il pour la centième fois. Tout à coup sa lèvre, inférieure se mit à trembler. M. Thibault avait toujours eu peur de la mort. Il se dressa, et par dessus les bronzes qui encombraient la cheminée, il chercha son image dans la glace. Ses traits avaient perdu cette assurance satisfaite qui avait peu à peu modelé son visage, et dont il ne se départissait jamais, fût-ce dans la solitude, fût-ce dans la prière. Un frisson le secoua. Les épaules basses, il se laissa retomber sur son siège. Il se voyait à son lit de mort et se demandait avec épouvante s’il ne s’y présenterait pas les mains vides. Il s’accrochait désespérément à l’opinion des autres sur lui : « Je suis pourtant un homme de bien ? » se répétait-il ; mais le ton restait interrogatif ; il ne pouvait plus se payer de mots, il était à une de ces rares minutes où l’introspection descend jusqu’à des bas-fonds qu’elle n’a jamais éclairés encore. Les poings crispés