Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/136

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pour reparler de Jacques », déclara-t-il d’emblée, dès qu’il fut assis. Et comme les mains du prêtre ébauchaient un geste conciliant : « Croyez-moi, n’y revenons plus. Vous faites fausse route. D’ailleurs, si le cœur vous en dit, allez à Crouy, rendez-vous compte ; vous verrez que j’ai raison. » Puis, avec un mélange de brusquerie et de naïveté : « Pardonnez-moi ma mauvaise humeur de ce matin. Vous me connaissez, je suis vif, je ne… Mais au fond… C’est qu’aussi, pour ce pharisien, vous avez été dur, vous savez. Trop dur. J’ai le droit de protester, que diable ! Voilà tout de même trente ans que je donne aux œuvres catholiques tout mon temps, toutes mes forces ; mieux encore, la plus grosse partie de mes revenus. Est-ce pour m’entendre dire, par un prêtre, par un ami, que je… que je ne… Non, avouez, ce n’est pas juste ! »

L’abbé regarda son pénitent : il semblait dire : « L’orgueil éclate malgré vous dans la moindre de vos paroles… »

Il y eut une assez longue pause.

— « Mon cher abbé », reprit M. Thibault d’un ton mal assuré, « j’admets que je ne sois pas tout à fait… Eh bien, oui, j’en con-