Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viens : trop souvent, je… Mais c’est ma nature, pour ainsi dire… Est-ce que vous ne savez pas comme je suis ? » Il mendiait un peu d’indulgence. « Ah, le chemin du salut est difficile… Vous êtes le seul à pouvoir me relever, me diriger… »

« Je vieillis, j’ai peur… », balbutia-t-il tout à coup.

L’abbé fut remué par le changement de cette voix. Il sentit qu’il ne devait plus prolonger son silence, et approcha sa chaise.

— « C’est moi qui maintenant hésite… » dit-il. « Et d’ailleurs, cher ami, que dirais-je de plus, après que la parole sainte est entrée si avant ? » Il se recueillit un instant. « Je sais bien que Dieu vous a donné un poste difficile : en travaillant pour Lui vous acquérez de l’autorité sur les hommes, des honneurs ; et il le faut ; mais comment ne pas confondre un peu sa gloire avec la vôtre ? Et comment ne pas céder à la tentation de préférer peu à peu la vôtre à la sienne ? Je sais bien… »

M. Thibault avait ouvert les yeux et il ne les refermait plus ; son regard pâle avait une expression effrayée, et en même temps puérile, innocente.