Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/157

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a fait travailler. Même qu’elle a eu un grand, grand succès dans les journaux ; j’en ai des coupures dans ma poche, que vous pourrez voir. » Elle s’arrêta, ne sachant plus où elle en était : « Alors », reprit-elle avec un regard étrange, « c’est justement parce que M. Raoul partait en Suisse que l’oncle Jérôme est venu. Mais trop tard. Quand il est arrivé, maman n’était plus là. Un soir, elle m’a embrassée… Non », fit-elle en baissant la voix et en fronçant durement les sourcils, « elle m’a presque battue parce qu’elle ne savait plus que faire de moi. » Elle releva la tête et se contraignit à sourire : « Oh, elle ne m’en voulait pas pour de vrai, au contraire. » Son sourire s’étrangla dans sa gorge. « Elle était si malheureuse, tante Thérèse, vous ne pouvez pas savoir : il fallait bien qu’elle parte, puisque quelqu’un l’attendait en bas. Et elle savait que l’oncle Jérôme allait arriver, parce qu’il était déjà plusieurs fois venu nous voir, il faisait même de la musique avec M. Raoul ; mais la dernière fois il avait dit qu’il ne reviendrait plus tant que M. Arvelde serait là. Alors, avant de partir, maman m’a dit de dire à l’oncle Jérôme qu’elle était partie pour