Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/158

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longtemps, qu’elle me laissait, et qu’il s’occupe de moi. Ça, je suis sûre qu’il l’aurait fait, mais je n’ai pas osé le lui dire, quand je l’ai vu arriver. Il était en colère, j’ai eu peur qu’il ne parte à leur poursuite ; alors je lui ai menti exprès : je lui ai dit que maman allait revenir le lendemain ; et tous les jours je lui disais que je l’attendais. Lui, il la cherchait partout, il la croyait encore à Bruxelles. Mais moi, tout ça était trop, je ne voulais plus rester ; d’abord, parce que le domestique de M. Raoul, je le déteste ! » Elle frissonna. « C’est un homme, tante Thérèse, qui a des yeux !… Je le déteste ! Alors, le jour où l’oncle Jérôme m’a parlé de l’âme charitable, tout d’un coup je me suis décidée. Et hier matin, dès qu’il m’a eu donné un peu d’argent, je suis sorti pour que le domestique ne me le prenne pas, je me suis cachée dans les églises jusqu’au soir, et j’ai pris le train omnibus de nuit. »

Elle avait parlé vite, le front baissé. Quand elle redressa la tête, le visage si doux de Mme  de Fontanin exprimait une telle révolte, une telle sévérité, que Nicole joignit les mains :

— « Tante Thérèse, ne jugez pas mal