Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/165

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sur une chaise du vestibule au lieu de le porter chez lui, ou s’il arrivait en retard et se mettait à table sans aller se laver les mains, bien qu’elle sût qu’il ne portait pas de pardessus pour soigner ses malades, et qu’il ne quittait pas l’hôpital sans passer par le lavabo, elle ne mangeait plus, oppressée par ses craintes, et, sitôt le dessert, elle emmenait Gise dans sa chambre pour lui infliger un lavage antiseptique de la gorge et du nez. Installer Antoine au rez-de-chaussée, c’était créer entre Gisèle et lui une zone protectrice de deux étages et réduire autant que possible les risques quotidiens de contagion. Elle mit donc une intelligence particulière à organiser le lazaret du pestiféré. En trois jours le logement fut gratté, lavé, tapissé, garni de rideaux et de meubles.

Jacques pouvait venir.

Dès qu’elle pensait à lui, son activité redoublait ; ou bien elle cessait une seconde son travail, fixant, de ses yeux languides le cher visage qu’elle évoquait. Sa tendresse pour Gise n’avait en rien dépossédé Jacques. Elle l’aimait depuis sa naissance, elle l’aimait de plus loin encore, puisqu’elle avait aimé et élevé avant lui, cette mère qu’il n’avait