Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/179

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à la naissance de Jacques, lorsqu’elle était morte. Il se rappelait mieux le grand-père Couturier, l’économiste, l’ami de Mac-Mahon, qui avait failli être Préfet de la Seine à la chute de M. Thiers, qui avait été quelques années le doyen de l’Institut, et dont Antoine n’avait jamais oublié l’aimable figure, les cravates de mousseline blanche, ni le semainier de rasoirs à manches de nacre dans leur étui de galuchat.

Il plaça les deux cadres sur la cheminée, parmi des échantillons de roches et des fossiles. Restait à ranger le bureau, encombré d’objets divers, de paperasses. Il s’y mit gaîment. La pièce se transformait à vue d’œil. Lorsqu’il eut fini, il promena autour de lui un regard satisfait. « Quant au linge et aux vêtements, c’est l’affaire de la maman Fruhling », songea-t-il paresseusement. (Afin d’échapper sans réserves à la tutelle de Mademoiselle, il avait obtenu que la concierge assumât seule le ménage et le service du rez-de-chaussée.) Il prit une cigarette et s’allongea dans un des fauteuils de cuir. Il était rare qu’il eût ainsi une soirée entière à lui, sans tâche précise ; et il s’en trouvait presque gêné. L’heure n’était pas avancée ; qu’allait-