Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/181

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diez la fin de la consultation, au lieu de filer à onze heures et demie pour soigner votre clientèle payante, je n’aurais pas besoin de faire votre besogne, moi, et je ne risquerais pas de me tromper ! ” Vlan ! Devant tout le monde ! Il me fera la tête pendant quinze jours, mais je m’en fiche. À la fin ! »

Son visage avait pris une subite expression de méchanceté. Il haussa les épaules, et commença, sans y songer, à remonter la pendule ; mais il eut un frisson, remit sa veste et vint se rasseoir à la place qu’il venait de quitter. Sa joie de tout à l’heure s’était évanouie ; il lui restait au cœur une impression de froid. « L’imbécile », murmura-t-il, avec un sourire rancunier. Il croisa nerveusement les jambes et alluma une nouvelle cigarette. Mais tout en disant : « L’imbécile », il pensait à la sûreté d’œil, à l’expérience, à l’instinct surprenant du Dr  Philip ; et, en cet instant, le génie du patron lui semblait former un ensemble écrasant.

« Et moi, moi ? » se demanda-t-il avec une sensation d’étouffement. « Saurai-je jamais voir clair comme lui ? Cette perspicacité presqu’infaillible, qui, seule, fait les