Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/183

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Il traversa machinalement le vestibule, ouvrit la porte de la chambre préparée pour Jacques, et resta sur le seuil, pétrifié, cherchant à plonger son regard dans la pièce obscure. Le découragement s’emparait de lui. « Où fuir pour être tranquille, nom de Dieu ? Pour travailler, pour n’avoir à penser qu’à soi ! Toujours des concessions ! La famille, les amis, Jacques ! Tous conspirent à m’empêcher de travailler, à me faire rater ma vie ! » Il avait le sang à la tête, la gorge sèche. Il fut à la cuisine, but deux verres d’eau glacée, et revint dans son bureau.

Il était sans courage et commença à se déshabiller. Dépaysé dans cette chambre où il n’avait pas encore d’habitudes, où les objets usuels avaient pris un air insolite, tout brusquement lui semblait hostile.

Il mit une heure à se coucher, et fut plus long encore à s’endormir. Il n’était pas accoutumé au bruit si proche de la rue ; chaque passant dont la marche sonnait sur le trottoir le faisait tressaillir. Il pensait à des riens : à faire réparer son réveil ; à la difficulté qu’il avait eue l’autre nuit, en rentrant d’une soirée chez Philip, pour trouver une voiture… Par moments la pensée