Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/184

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du retour de Jacques lui revenait avec une pénétration lancinante, et il se retournait avec désespoir dans son lit étroit.

« Après tout », songeait-il rageusement, « j’ai ma vie à faire, moi ! Qu’ils se débrouillent ! Je l’installerai là, puisque c’est décidé. J’organiserai son travail, soit. Et puis, fais ce que tu veux ! J’ai consenti à m’occuper de lui, oui. Mais halte-là ! Que ça ne m’empêche pas d’arriver ! J’ai ma vie à faire, moi ! Et tout le reste… » De son affection pour l’enfant, ce soir, il ne restait pas trace. Il se souvint de la visite à Crouy. Il revit son frère, amaigri, usé par la solitude ; qui sait, tuberculeux peut-être ? Si cela était, il déciderait son père à envoyer Jacques dans un bon sanatorium : en Auvergne, ou dans les Pyrénées, plutôt qu’en Suisse ; et lui, Antoine, il resterait seul, libre de son temps, libre de travailler tout à sa guise… Il se surprit même à songer ; « Je prendrais sa chambre, j’en ferais ma chambre à coucher… »