Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/186

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dû s’enfariner le visage afin d’éteindre le feu de la lame. Il paraissait disposé à accompagner les deux frères jusque chez eux et les pressait d’accepter quelque chose à la terrasse d’un café. Antoine brusqua la séparation en hélant un taxi. M. Faîsme hissa lui-même le baluchon de Jacques sur le siège, et quand la voiture se mit en marche, au risque de laisser écraser le bout de ses souliers vernis, il passa encore une fois le buste dans la portière pour serrer avec effusion les mains des deux jeunes gens et charger Antoine de ses plus humbles salutations à l’adresse de M. le Fondateur.

Jacques pleurait.

Il n’avait pas encore dit un mot ni fait un geste pour répondre au cordial accueil de son frère. Mais cette prostration augmentait la pitié d’Antoine et les sentiments nouveaux qui lui emplissaient le cœur. Si quelqu’un se fût avisé de lui rappeler son animosité de la veille, il l’eût niée et eût affirmé de bonne foi qu’il n’avait jamais cessé de sentir que le retour de l’enfant donnait enfin un but à son existence, jusque-là désespérément vide, stérile.

Lorsqu’il fit entrer son frère dans leur