Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/187

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appartement et qu’il referma la porte derrière eux, il avait l’âme en fête d’un amant qui fait à sa première maîtresse les honneurs d’un logis préparé pour elle seule. Il y songea et se moqua de lui-même : mais peu lui importait qu’il fût ridicule ; il se sentait heureux et bon. Et bien qu’il guettât, sans succès, une lueur de satisfaction sur le visage de son frère, il ne doutait pas un instant de réussir dans la tâche qu’il entreprenait.

La chambre de Jacques avait été visitée au dernier moment par Mademoiselle : elle y avait allumé du feu, afin que la pièce fût plus accueillante, et elle avait disposé bien en vue une assiettée de gâteaux aux amandes saupoudrés de sucre vanillé, une spécialité du quartier pour laquelle Jacques montrait jadis une prédilection. Sur la table de nuit, dans un verre, trempait un petit bouquet de violettes, d’où s’échappait une banderolle de papier découpé, sur laquelle Gisèle avait tracé en lettres multicolores :

Pour Jacquot.

Mais Jacquot ne remarqua aucun de ces préparatifs. À peine entré, et tandis qu’An-