Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/19

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fait bientôt neuf mois qu’il est là-bas. Je ne l’ai pas revu, il ne m’a pas écrit ; mais mon père le voit souvent : il me dit que Jacques se porte bien, travaille ; que l’éloignement, la discipline, ont déjà produit d’excellents effets. Se trompe-t-il ? Le trompe-t-on ? Depuis notre rencontre d’hier, je suis inquiet tout-à-coup. L’idée m’est venue qu’il est peut-être malheureux, là où il est, et que, n’en sachant rien, je ne puis lui venir en aide ; cette idée m’est intolérable. Alors j’ai pensé à venir vous trouver, franchement. Je fais appel à votre affection pour lui. Il ne s’agit pas de trahir des confidences. Mais, à vous, il doit écrire ce qui se passe là-bas. Vous êtes le seul qui puissiez me rassurer, — ou me faire intervenir. »

Daniel écoutait, impassible. Son premier mouvement avait été de se refuser à cet entretien. Il tenait la tête levée et fixait sur Antoine son regard que le trouble durcissait. Puis, embarrassé, il se tourna vers sa mère. Elle le considérait, curieuse de ce qu’il allait faire. L’attente se prolongeait. Elle sourit enfin :

— « Dis la vérité, mon grand », fit-elle, avec un geste aventureux de la main. « On