Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/20

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ne se repend jamais de ne pas mentir. »

Alors Daniel, avec le même geste, avait pris le parti de parler. Oui, il avait reçu de temps à autre des lettres de Thibault ; lettres de plus en plus courtes, de moins en moins explicatives. Daniel savait bien que son camarade était pensionnaire chez un brave professeur de province, mais où ? Ses enveloppes étaient timbrées d’un wagon postal, sur le réseau du Nord. Une sorte de four-à-bachot, peut-être ?

Antoine s’efforçait de ne pas laisser paraître sa stupéfaction. Avec quel souci Jacques dissimulait la vérité à son plus intime ami ! Pourquoi ? Par honte ? La même, sans doute, qui poussait M. Thibault à maquiller aux yeux du monde la colonie pénitentiaire de Crouy, où il avait incarcéré son fils, en une a institution religieuse au bord de l’Oise » ? Le soupçon que peut-être ces lettres étaient dictées à son frère, traversa soudain l’esprit d’Antoine. On le terrorisait peut-être, ce petit ? Il se souvint d’une campagne entreprise par un journal révolutionnaire de Beauvais, et des terribles accusations portées contre l’Œuvre de Préservation sociale : mensonges dont M. Thi-