Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/207

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fois même de professeurs. Lisbeth causait avec lui plus librement qu’avec Antoine ; et c’était avec l’aîné qu’elle se montrait le plus enfant.

Un matin, elle remarqua que Jacques feuilletait un dictionnaire allemand, et perdit le peu qui lui restait de réserve. Elle voulut voir ce qu’il traduisait, et s’attendrit devant un lied de Gœthe qu’elle savait par cœur, et que même elle chantait :

« Fliesse, fliesse, lieber Fluss !
Nimmer werd’ ich froh…
 »

La poésie allemande avait le don de lui tourner la tête. Elle fredonna plusieurs romances, dont elle expliquait les premiers vers. Ce qu’elle trouvait de plus beau était toujours puéril et triste :

« Si fêtais un petit oiseau-hirondelle
Ah, comme vers toi je m’envolerais !…
 »

Cependant elle avait une prédilection pour Schiller. Elle se recueillit et récita tout d’un trait un fragment qu’elle chérissait entre tous, ce passage de Marie-Stuart, où la jeune reine prisonnière obtient de faire quelques pas dans les jardins de sa prison, et s’élance